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Le 13 octobre 2020, le Premier Ministre du Luxembourg a prononcé devant la Chambre des Députés la déclaration du Gouvernement sur la situation économique, sociale et financière du pays. Le 14 octobre 2020, le projet de loi n° 7666 concernant le budget des recettes et des dépenses de l’Etat pour l’exercice 2021 a été déposé par le Ministre des Finances luxembourgeois à la Chambre des Députés (le Projet de Loi).

Le Projet de Loi, loin de réformer considérablement la fiscalité luxembourgeoise, contient toutefois des dispositions fiscales constituant des ajustements aux règles actuelles et nécessitant une analyse détaillée.

Parmi les mesures fiscales proposées dans le cadre du Projet de Loi, certaines poursuivent, selon le Gouvernement, soit la recherche de justice fiscale, soit une politique de logement durable, soit cherchent à soutenir l’économie ou encore sont relatives au domaine de la digitalisation et de la simplification administrative.

MESURES LIÉES À UN OBJECTIF DE JUSTICE FISCALE

1. Prélèvement sur les revenus immobiliers détenus par des véhicules d’investissement 

Le Gouvernement estime, à ce titre, que la détention massive d’investissements en immobilier luxembourgeois par des fonds d’investissements de type SICAV-FIS, qui sont soumis uniquement à la taxe d’abonnement et exempts de tous autres impôts, est de nature à contribuer à la hausse des prix du logement au Luxembourg et à constituer une rupture au principe de l’égalité devant les charges publiques.

Pour ces raisons, le Gouvernement propose d’introduire un prélèvement sur les revenus provenant d’un bien immobilier situé au Luxembourg. Ce prélèvement immobilier frappe les revenus provenant de la location, des plus-values résultant de l’aliénation d’un bien immobilier, ainsi que sous certaines conditions, les plus-values résultant de l’aliénation de parts dans certains types de sociétés pour autant que ces revenus proviennent d’un bien immobilier situé au Luxembourg et qu’ils soient réalisés ou perçus, directement ou au travers d’une société fiscalement transparente ou un fonds commun de placement, par un véhicule d’investissement.

Dans ce contexte, le Gouvernement propose d’introduire, à partir du 1er janvier 2021, un prélèvement dit « prélèvement immobilier », à charge de divers véhicules d’investissement énumérés limitativement, qui perçoivent un revenu provenant d’un bien immobilier situé au Luxembourg.

Le taux du prélèvement immobilier sera fixé à 20% en ce qui concerne le revenu provenant d’un bien immobilier situé au Luxembourg et soumis au prélèvement immobilier (pour les loyers, ce taux s’appliquera sur le loyer brut hors TVA).

Les véhicules d’investissement visés par ce prélèvement immobilier auront une obligation d’information pour les années 2020 et 2021 et au plus tard pour 31 mai 2022 vis-à-vis de l’administration des contributions directes sur leur détention directe ou indirecte d’immeubles situés au Luxembourg.

Si l’on comprend le souci d’égalité devant l’impôt affiché par le Gouvernement, on doute cependant que cette mesure la favorise, dans la mesure où l’investissement au travers d’un fonds d’investissement exempté d’impôt n’a pour seul effet que de décaler l’imposition dans le temps, c’est-à-dire au moment de la distribution par le fonds en faveur de ses investisseurs. Par ailleurs, l’examen de l’importance de la détention d’immobilier de logement par des véhicules d’investissement du type de ceux visés par la nouvelle disposition et, partant, leur implication dans la hausse des prix constatée sur ce segment du marché nécessite, selon nous, d’être plus nuancée.

2. Modification de la loi sur les sociétés de gestion de patrimoine familial 

Le Gouvernement propose de préciser de façon explicite dans la loi modifiée du 11 mai 2007 relative à la société de gestion de patrimoine familial (SPF) que la détention d’immeubles à travers une ou plusieurs sociétés de personnes ou à travers un ou plusieurs fonds communs de placement est exclue pour les SPF.

Le Projet de Loi confirme expressément que les SPF pourront continuer à détenir des investissements immobiliers au travers de sociétés de capitaux.

3. Abrogation programmée des plans de stock-options et création d’un système de prime participative pour certains employés

Le Gouvernement a également annoncé vouloir abroger l’évaluation forfaitaire des plans d’option d’acquisition d’actions et, en contrepartie, vouloir introduire un système de participation des salariés aux bénéfices de leurs entreprises afin d’assurer une fidélisation accrue des salariés.

A cette fin le Gouvernement a annoncé vouloir abroger, pour la fin de l’année 2020, la circulaire du directeur des contributions L.I.R. n°104/2 du 29 novembre 2017 relative au régime d’imposition des plans d’option sur acquisition d’actions (« stock option plans »).

Parallèlement, le Gouvernement envisage de permettre aux employeurs d’accorder une prime participative en fonction du résultat de l’employeur à un ou plusieurs de ses employés. Cette prime sera exemptée à hauteur de 50% dans le chef de l’employeur, sans que le montant total des primes participatives allouées par l’employeur à ses employés ne puisse excéder 5% du résultat positif de l’exercice d’exploitation qui précède immédiatement celui au titre duquel les primes participatives sont allouées aux employés.

A cette fin, à l’article 46 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (LIR) sera ajouté un nouveau numéro 15 afin de préciser que la prime participative sera à considérer comme dépense d’exploitation déductible au niveau de l’employeur. De plus, à l’article 115 LIR sera ajouté un nouveau numéro 13a afin d’introduire une exemption spécifique lors du paiement de la prime participative et énumérer les différentes conditions qui devront être remplies dans le chef de l’employé pour bénéficier dans son chef d’une exemption de 50%.

4. Le régime des impatriés

Le Gouvernement a confirmé vouloir intégrer le régime des impatriés organisé jusqu’ici par voie de circulaire administrative (i.e. circulaire du directeur des contributions LIR n°95/2 du 27 janvier 2014) dans la loi fiscale luxembourgeoise en ajoutant à l’article 115 LIR un nouvel alinéa 13b relatif au traitement fiscal des coûts générés par le déménagement de l’impatrié de l’étranger vers le Luxembourg et pris en charge par son employeur.

5. Droit de mutation en cas d’apport pur et simple d’un immeuble à une société civile ou commerciale

Toujours dans un souhait de justice fiscale, le Gouvernement propose d’augmenter le droit de mutation à l’occasion de l’apport pur et simple d’un immeuble à une société civile ou commerciale, et ce afin de mieux garantir l’égalité de traitement fiscal des opérations liées à l’acquisition de parts ou d’actions d’une société détenant des biens immobiliers.

En effet, actuellement seul un droit proportionnel limité grève les apports d’immeubles situés au Luxembourg à une société luxembourgeoise ou étrangère. Ce droit proportionnel est calculé, en cas d’apport pur et simple, au taux de 0,5% + 2/10èmes de droits d’enregistrement et de 0,5% de droits de transcription, alors qu’en cas d’apport à titre onéreux les droits d’enregistrement sont de 5% + 2/10èmes et les droits de transcription de 1%.

Le Gouvernement propose de porter les droits d’enregistrement, en cas d’apport pur et simple d’immeubles à une société civile ou commerciale de 0,5% + 2/10èmes à 2% + 2/10èmes, et les droits de transcription de 0,5% à 1%.

En parallèle, il est proposé d’adapter le délai de détention de 5 à 10 ans endéans lequel les droits d’enregistrement et de transcription restent dus en cas d’attribution d’un immeuble lors d’une dissolution/liquidation ou d’une réduction de capital social à un associé autre que celui qui l’a apporté.

6. Disposition spécifique en matière d’intégration fiscale

Le Gouvernement envisage d’introduire une disposition fiscale spécifique à l’article 164bis LIR afin de tenir compte de l’arrêt rendu en date du 14 mai 2020 par la Cour de Justice de l’Union Européenne dans l’affaire C-749 /18.

La disposition projetée à l’article 164bis LIR aura pour vocation de s’assurer qu’un groupe intégré selon une « intégration verticale » puisse former un nouveau groupe intégré selon une « intégration horizontale » sans que la dissolution du groupe intégré existant n’entraîne de conséquence fiscale dans le chef des membres individuels le composant, pourvu que le changement du régime soit notamment réalisé dans les conditions dégagées à travers l’arrêt susvisé.

7. Disposition spécifique en matière de TVA

En vue de faire bénéficier un plus grand nombre d’assujettis de la simplification administrative que représente le régime de franchise de TVA visé à l’article 57 de la loi modifiée du 12 février 1979 concernant la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), il est proposé de relever le seuil actuel de EUR 30.000 à celui de EUR 35.000.

MESURES POUR UNE POLITIQUE DE LOGEMENT DURABLE : le taux d’amortissement accéléré

Afin de favoriser une politique de logement durable, notamment en raison des changements climatiques, et afin d’inciter les propriétaires d’un logement mis en location à procéder à une rénovation durable de leurs immeubles, le Gouvernement souhaite introduire un taux d’amortissement accéléré de 6% pendant 10 ans pour les dépenses d’investissement effectuées dans le cadre d’une rénovation énergétique.

De plus, le taux d’amortissement accéléré actuel de 6% sera ramené à 5% en cas d’achèvement de l‘immeuble bâti remontant au début de l’année à moins de 5 ans et dans la mesure où la somme des valeurs prises dans le calcul des amortissements accélérés ne dépasse pas EUR 1.000.000. Au-delà de cette somme de EUR 1.000.000, le taux d’amortissement accéléré est de 4%.

Afin de refléter ce changement, il est proposé de remplacer l’article 32ter LIR à partir de l’année d’imposition 2021 et de compléter l’article 106 alinéa 4 LIR afin de permettre au règlement grand-ducal y mentionné de tenir compte de critères écologiques lors de la fixation de la base ou du taux de l’amortissement. Enfin, il sera introduit un nouvel article 129e alinéa 1er LIR afin de compléter les dispositions de l’article 32ter LIR et 106 alinéa 4 LIR.

MESURES VISANT A SOUTENIR L’ECONOMIE DURABLE

1. Droit d’accise autonome additionnel – taxe CO2

En parallèle du système d’échange de quotas d’émission de CO2 de l’Union Européenne instaurés il y a plus de 10 ans pour l’industrie, le prix du carbone est un élément important de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

C’est dans ce sens que le Gouvernement a décidé d’introduire une taxe CO2 au Luxembourg.

2. Augmentation des crédits d’impôt pour salariés, pour pensionnés, pour indépendants

Afin d’atténuer l’impact potentiel de la taxe CO2 sur les personnes à faibles ou moyens revenus, le Gouvernement a décidé d’augmenter le crédit d’impôt pour salariés, le crédit d’impôt pour pensionnés et le crédit d’impôt pour indépendants.

Le montant maximal du crédit d’impôt pour salariés et le crédit d’impôt pour indépendants sont portés de EUR 600 à EUR 696 par an et pour un revenu (salaire brut ou bénéfice net) de EUR 936 ce crédit d’impôt passera à EUR 396. Les formules de calcul du crédit d’impôt pour la tranche de revenu (salaire brut ou bénéfice net) comprise entre EUR 936 et EUR 11.265 et celle comprise entre EUR 40.001 et EUR 79.999 seront adaptés en conséquence.

Le montant maximal du crédit d’impôt pour pensionnés est porté de EUR 600 à EUR 696 par an et pour une pension ou une rente brute EUR 300 à EUR 936 ce crédit d’impôt passera à EUR 396. Les formules de calcul du crédit d’impôt pour la tranche de pension ou de rente brute comprise entre EUR 300 et EUR 935, celle comprise entre EUR 936 et EUR 11.265 et celle comprise entre EUR 40.001 et EUR 79.999 seront adaptés en conséquence.

3. Taxation réduite en matière de taxe d’abonnement

Afin de favoriser les investissements dans des activités durables et de faire de Luxembourg un centre d’excellence en matière de finance durable, le Gouvernement propose d’introduire une taxation réduite en matière de taxe d’abonnement en la matière et ce afin d’encourager les fonds d’investissements à investir dans de telles activités durables, afin de contribuer ainsi à la transition écologique et au combat contre le changement climatique.

Pour ce faire, le Gouvernement propose d’ajouter de nouvelles dispositions à l’article 174 de la loi modifiée du 17 décembre 2010 concernant les organismes de placement collectif (OPC).

MESURES DE DIGITALISATION ET DE SIMPLICATION ADMINISTRATIVE : la fiche de retenue électronique

Dans ce domaine, le Gouvernement souhaite l’introduction graduelle des fiches de retenue électroniques pluriannuelles en matière de retenue d’impôt sur les traitements et salaires.

En 2021 sera créé une plateforme informatique sécurisée permettant aux employeurs d’accéder aux fiches de retenue de leurs salariés.

A partir de l’année 2022, les employés n’auront plus besoin de remettre leur fiche de retenue à leur employeur.

Le fait que les fiches de retenue seront pluriannuelles, c’est-à-dire valables pour plusieurs années, cela constituera une simplification administrative et une réduction des coûts liés à la gestion des fiches de retenue d’impôt des salariés.

Afin d’introduire ce dispositif de droit interne, le Gouvernement envisage de modifier intégralement l’article 143 LIR pour l’année d’imposition 2021 afin de permettre à l’employeur d’user de cette nouvelle plateforme dès 2021.

Afin d’assurer l’effectivité de l’article 143 LIR, le Gouvernement propose d’insérer à partir de l’année d’imposition 2022, un nouveau paragraphe 202a dans la loi générale des impôts modifiée du 22 mai 1931 (« Abgabeordnung ») visant à introduire une astreinte adaptée au mécanisme du nouveau dispositif des fiches de retenue électroniques.