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Le Gouvernement a déposé ce jeudi 27 janvier 2022 devant la Chambre des Députés le projet de loi n°7958 relative à l’accès et à la formation des professions d’avocat à la Cour, de notaire et d’huissier de justice et modifiant (i) la loi du 4 décembre 1990 portant organisation du service des huissiers de justice et ii) la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat.

Ce projet de loi vise notamment à réformer les Cours Complémentaires en Droit Luxembourgeois (CCDL) et le stage judiciaire permettant l’accès à la profession d’avocat, de notaire et d’huissier de justice au Luxembourg.

De ce projet de loi, nous avons retenu les points majeurs suivants :


1. Résumé du projet de loi

a) L’accès au CCDL requerra la réussite d’un examen d’entrée qui se déroulera entre le 1er et 31 octobre de chaque année. En cas d’échec, le candidat est amené à repasser de nouveau l’examen d’entrée, avec trois tentatives possibles au maximum (article 5 paragraphe 5).

b) L’homologation des diplômes non luxembourgeois d’études secondaires et supérieures (comme le Baccalauréat français, les bachelors et masters obtenus hors du Grand-Duché) ne sera plus une condition d’accès pour l’inscription aux CCDL, ni à son examen d’entrée. Il sera néanmoins procédé à un certain contrôle sur l’authenticité des diplômes.

c) Le Gouvernement propose d’admettre à l’examen d’entrée aux CCDL les candidats « pouvant se prévaloir cumulativement d’un diplôme de niveau bachelor en droit, ainsi que d’un diplôme de niveau master en droit d’une durée totale de cinq années au moins ou pouvant de prévaloir d’un diplôme de niveau master en droit sanctionnant un cycle d’études unique de type long d’une durée de cinq années au moins » (article 4 paragraphe 1).

d) Les CCDL devraient rester dispensés de la même manière qu’ils le sont actuellement et des examens portant sur les matières enseignées dans ces cours auront toujours lieu. Néanmoins à l’avenir et en cas d’échec à la session ordinaire puis à la session de rattrapage, le candidat ne sera plus autorisé à repasser qu’une seule fois les CCDL (article 9 paragraphe 5) tout en étant obligé de repasser également l’examen d’entrée du CCDL (commentaire de l’article 9 paragraphe 5).

e) Il sera en revanche possible de compenser certaines notes en dessous de la moyenne mais sous des conditions suivantes : une moyenne générale de 13/20 est exigée, seules deux notes peuvent être inférieures à 10/20 et pas plus de trois points en dessous de la moyenne ne peuvent être cumulés pour ces deux notes (article 9 paragraphe 3).

f) A noter également le retour d’énoncés en allemand dans certaines matières avec obligation de répondre en allemand.

g) L’examen de fin de stage, connu sous le nom d’examen d’avoué est supprimé et remplacé par plusieurs contrôles continus des connaissances durant toute la période du stage judiciaire (article 14 paragraphe 2).


2. Analyse du projet de loi

• Le projet de loi n°7958 possède plusieurs intérêts combinés, notamment pour les candidats-notaire et candidats-huissier au Luxembourg, mais nous nous concentrerons sur les modifications concernant l’accès à la profession d’avocat.

• Un objectif principal visé par le Ministère de la Justice dans cette réforme est « d’effectuer une première sélection » avant l’inscription aux CCDL.

Comme cité dans l’exposé des motifs du projet de loi, il y a eu cette année autour de 600 inscriptions aux CCDL. Or, une « part de non négligeable des personnes inscrites n’obtient jamais son certificat et ceci même après 3 années. »

Alors que l’ « un des objectifs de cette réforme est de mettre en place un système qui permet de mettre l’accent plus sur la qualité que sur la quantité », il semble que ce projet de loi souhaite mettre un terme à cette situation par l’instauration d’une sélection à l’entrée aux CCDL et ainsi permettre une formation de qualité à un nombre plus restreint de candidats.

Le commentaire de l’article 5 paragraphe 4 est sans équivoque à ce sujet :

(4) La validation de l’examen d’entrée donne droit à l’inscription des CCDL de la même année, la réussite de cet examen ne vaut pas validation pour les années à venir. Ceci est important afin de pouvoir gérer la quantité des inscriptions dans le but de pouvoir offrir une formation de qualité.

• Au sujet de l'abolition de l’homologation des diplômes, il convient de noter que cette abolition ne dispense pas les candidats d’un contrôle de leurs diplômes par le Ministère de la Justice. Ainsi, et comme mentionné précédemment, il convient au candidat de présenter un diplôme de bachelor et de master ou un diplôme de master prouvant un cycle d’étude long en droit, qui dans les deux cas doivent sanctionner un cycle d’étude de cinq années en droit.

Notons que cette obligation ne permet donc plus aux candidats de s’inscrire aux CCDL (ou à son examen d’entrée) dès la fin d’une première année de master, et donc après un cycle d’étude de quatre années de droit, comme le permet le système actuel.

• Concernant la transformation de l’examen, connu sous le nom d’examen d’avoué, en contrôle continu des connaissances, cette partie restera à définir, probablement par un règlement grand-ducal.

• Si le projet venait à être voté en l’état, les avocats stagiaires actuellement admis sur la liste II du Barreau de Luxembourg pourraient choisir entre rester soumis aux dispositions de « l’ancien régime » (donc en passant par les examens dit de l’avoué) ou opter pour le « nouveau régime » du contrôle continu des connaissances.

• Concernant la situation des stagiaires désireux d’opter pour le « nouveau régime », ce choix entrainerait pour eux l’obligation de recommencer leur stage judiciaire. En effet l’article 37 paragraphe 3 du projet de loi dispose que :

« Le stagiaire qui était inscrit au stage judiciaire au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi, dispose d’un délai d’un mois pour notifier au directeur des études s’il souhaite continuer son stage sous le régime prévu au règlement grand-ducal modifié du 10 juin 2009 portant organisation du stage judiciaire et règlementant l'accès au notariat ou s’il souhaite recommencer son stage sous le régime prévu au chapitre 3 de la présente loi. »


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Le projet de loi n°7958, déposé par Madame la Ministre de la Justice Sam Tanson, ne devrait pas forcément faire l’objet de grandes discussions au sein de la Chambre des Députés, tant son contenu est technique et ne concerne directement que les professionnels du droit.

A ce titre, et si le Gouvernement souhaite faire aboutir cette réforme avant les vacances judiciaires d’été de 2022, un vote rapide du projet de loi sera nécessaire.

En revanche, nul doute que ce projet fera parler, dans les prochains mois, au sein des divers cabinets d’avocats de la place luxembourgeoise.

Date:

01/02/2022